Les semaines d’écriture

Une idée prend forme dans la tête et le désir incontrôlable de lui donner vie entraîne l’auteur dans une aventure de laquelle il ne peut sortir indemne.

Tel un peintre, subjugué par son modèle et dont le seul but est de le transcrire avec le plus de perfection, d’amour et d’âme à l’aide de ses couleurs, tel le compositeur inspiré par trois petites notes qui s’enchainent et le submergent jusqu’à ce qu’elles se développent en une symphonie unique, l’auteur a ses images au bout des doigts et celles-ci le supplient de les épanouir par les mots qu’il est seul à entendre du fond de son cœur…

La magie de l’aurore atteindra-t-elle le crépuscule ? Les premiers mots jetés sur le papier en appelleront-ils d’autres, pour que se développent la trame qui donnera l’assise à l’histoire et l’émotion qui donnera vie aux personnages jusqu’à la dernière phrase de l’ultime chapitre?

Cela reste le mystère qui prolonge le plaisir jusqu’au bout,
jusqu’à ce qu’apparaisse le mot « fin ».

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Ce qui m’a surprise lorsque j’ai commencé à écrire ce roman, c’est de me rendre compte que ces mots venaient vraiment de moi. Je faisais naître des personnages dans des paysages créés par moi, qui vivaient des aventures que j’avais façonnées et qu’ils géraient ensuite par eux-mêmes; au bout de quelques chapitres, je n’avais plus aucune emprise sur eux, ils devenaient des entités complexes et maîtres de leur destin.

Cela m’a tout d’abord fait peur, je ne savais pas à quel point la sphère « auteur-stylo-papier » (ou auteur-clavier-écran…) pouvait s’apparenter à une micro-société qui interagit totalement. J’avais cette impression bizarre, mais somme toute agréable, d’écrire ce que Gohrmicia, Duist, ou Proteeghast me soufflaient à l’oreille à tour de rôle… Peu à peu, me sentant totalement épaulée par tous mes personnages, j’ai su que j’écrirais ce livre jusqu’au bout.

Je voulais écrire un roman qui finisse bien (si possible), inscrire le mot « fin » et relire mon trésor avec fierté (qu’il n’y a pas de honte à éprouver). Mais il s’est passé une chose très étrange lorsque j’ai entamé mon dernier chapitre, c’était le soir du 4 décembre 2008, la fin apparaissait comme une évidence une vingtaine de pages plus loin. Mais au fur et à mesure que mes doigts s’activaient sur le clavier, je sentais monter en moi une irrésistible envie de pleurer : la séparation allait être atroce! Alors que j’écrivais, mon esprit me disait qu’il ne supporterait pas de s’en tenir à ces dernières pages, que je devais agir et vite. Gohrmicia et Duist étaient appendus à mes mots. Ma décision leur donna gain de cause : je ne pouvais pas clore l’existence de la Vallée de Gohrm et de ses Croyances Ancestrales! Quelques minutes de chavirage dans ma tête, et la fin de mon roman avait changé…

A 4 heures du matin, les mots « FIN du Tome 1 » étaient écrits, mes yeux mouillés de larmes d’émotion, et un deuxième tome allait voir le jour dès la semaine suivante, la trame s’était imposée d’elle-même avec l’aide de mes chers personnages.

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C’est une fois que l’ouvrage est terminé, après avoir pleuré, poussé un cri de joie, et levé les bras au ciel en se disant « j’y suis arrivée », que l’on reprend le chemin à l’envers et qu’on se retrouve au départ.

Commencent alors de longues séances de questionnements : l’histoire est-elle logique, compréhensible, suit-elle le bon chemin du point A au point B, les personnages ont-ils une vraie personnalité, sont-ils crédibles…? Toutes ces interrogations vous submergent après avoir ressenti cette fierté dont je parlais.

Et puis, les remises en question : n’ai-je pas l’air ridicule avec mon histoire qui n’intéressera sans doute personne ? Je n’ai pas assez lu pour prétendre écrire. Je devrais commencer par dévorer tous les livres que je peux et j’écrirai après, une fois que je serai expérimentée dans le domaine des mots… Ce n’est pas de la grande littérature ce que j’ai écrit, je n’oserai le faire lire à personne…

Mais le plaisir de contempler ce que l’on vient de créer, de A à Z, pour un auteur, comme pour un peintre, un sculpteur, un compositeur, un architecte, un décorateur, un paysagiste, un styliste… est indescriptible. J’ai envie de dire qu’il faut le vivre pour le comprendre. C’est un raccourci rapide mais tellement vrai. Et, à nouveau, l’intensité de l’émotion nous envahit….

Cette sensation extraordinaire m’a transportée, j’avais l’impression d’être sur un nuage ou… dans la Lune. Durant quelques jours, j’étais en dehors du temps, j’ai eu un peu de mal à réintégrer ma vie de tous les jours, le travail, mes enfants à la maison etc… Duist et Gohrmicia m’accompagnaient à chaque instant, comme des « organes » qui auraient poussé dans mon corps et feraient partie de moi au même titre que mes poumons, mes yeux, mon cœur…

Et leurs aventures allaient se poursuivre, il n’y avait plus aucun doute. 

 

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