Ma rencontre avec ce livre:
Ah les « a priori » ! J’en avais aussi en lorgnant ce livre dont la couverture représente une vue de Marseille, une ville dans laquelle je vis depuis 40ans et que je veux fuir dès que possible parce que je m’y sens de plus en plus mal à l’aise.
Mais je n’ai pas pu m’empêcher de l’acheter.
En rentrant chez moi, je me suis dis (comme à chaque fois que j’achète un livre) : « Voyons voir une ou deux pages, juste pour toucher des yeux les premiers mots de l’auteure, et je le lirai plus tard quand j’aurai fini les 2 ou 3 autres que j’ai prévu de lire dans ma PAL ».
De 1 à 2 pages, je me suis surprise à dévorer 3 chapitres entiers d’un coup ! Scotchée par cette histoire, happée par la plume de cette auteure que je découvrais. Et alors que j’étais sur la lecture d’un autre ouvrage, je me suis littéralement engouffrée dans Marseille et « son âme » du Nord et deux jours ont suffi à me glisser jusqu’au point final.
Je vous entraîne avec moi? Allez, c’est parti…
Mon avis:
Comment décrire ce récit ? J’ai dans la tête des associations de mots, de sensations, d’impressions, qui semblent se contredire ou être en dissonance. C’est bizarre, mais pourtant je trouve que c’est la grande force de ce livre et de la plume de l’auteure.
Je m’explique :
Quartiers Nord de Marseille : on pense insalubrité, violence, pauvreté, délinquance, dealer, ghetto, etc…
Pourtant, Audrey Sabardeil en parle avec une sensibilité déroutante, une poésie comme on n’imaginerait pas en trouver dans cet endroit, ni dans le regard de ces jeunes (et moins jeunes) qui, coûte que coûte, veulent s’en sortir et vivre en tournant le dos aux clichés désobligeants qui s’accrochent à eux.
Stéphane, presque 40ans, un habitué du café de Fredo, vivote de petits boulots par-ci par-là et de farniente au bord de mer, il aide au café aussi parfois, un peu d’argent bienvenu. Et puis, il y a Kahina, la jeune serveuse d’origine maghrébine, jolie comme un cœur, qui illumine le café de Fredo et le cœur de Stéph. Mais Steph est trop vieux pour espérer quoi que ce soit. Alors, avec pudeur et bienveillance, il est là comme un ami, un frère sur qui elle peut compter. Elle est peut-être aussi un fil d’Ariane qui le relie à son nouveau plaisir de vivre ici, malgré ce qui est « moche » autour.
Et puis, Nassim refait surface, un ancien copain d’école. C’est l’amitié encore, mais celle qui n’a pas les mêmes codes, celle qui n’implique pas les mêmes espoirs, celle de l’honneur avant tout…
*
Avec ce livre, Audrey Sabardeil nous offre la contradiction de cette ville, Marseille, qui repousse vers « son Nord » ceux qui n’ont pas les moyens d’être dans « son Sud ». Elle nous montre, certes, la surface stéréotypée des business obscurs des cités grignotées par la peur et le désespoir, des petits caïds de la drogue et des règlements de comptes, mais elle plonge aussi et surtout sa plume dans les profondeurs des âmes, pour y puiser l’encre de l’espoir, de la force et décrire le désir d’envol de ceux qui croient encore en leur avenir, même là, dans ces quartiers.
Audrey a un style d’écriture très personnel qui fonctionne terriblement bien : un style épuré, rythmé, jamais cru et pourtant incisif, avec des mots qui me semblent choisis un par un, tant leur présence est utile, juste et évidente, sans en rajouter, fermes mais nimbés de velours.
Dur et doux, comme la vie, comme le soleil qui ne brille pas pour tout le monde.
Une belle découverte que je vous recommande à 100%
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