« Les passeurs de livres de Daraya » de Delphine Minoui

Intro de l’auteure:

« De 2012 à 2016, la banlieue rebelle de Daraya a subi un siège implacable imposé par Damas. Quatre années de descente aux enfers, rythmées par les bombardements au baril d’explosifs, les attaques au gaz chimique, la soumission par la faim.

Face à la violence du régime de Bachar-Al-Assad, une quarantaine de jeunes révolutionnaires syriens a fait le pari insolite d’exhumer des milliers d’ouvrages ensevelis sous les ruines pour les rassembler dans une bibliothèque clandestine, calfeutrée dans un sous-sol de la ville.

Ce récit, fruit d’une correspondance menée par Skype entre une journaliste française et ces activistes insoumis, est un hymne à la liberté individuelle, à la tolérance et au pouvoir de la littérature. »

 

La liberté par le livre…

Résumé:

La découverte d’une photographie par une journaliste française, via le réseau Facebook : deux jeunes hommes dont on ne voit pas le visage, entourés de livres. La légende dit qu’ils sont dans une bibliothèque à Daraya, la banlieue rebelle de Damas, berceau du soulèvement pacifique de 2011, assiégée et bombardée depuis 2012 par les forces armées de Bachar-al-Assad.

C’est le début d’une relation surprenante entre cette journaliste et ces jeunes du bout du monde qui ont à peine vingt ans. Elle ne peut entreprendre le voyage jusqu’à eux, alors c’est grâce à Internet (qui fonctionne très mal, quand il veut bien fonctionner) qu’elle va suivre leur histoire et décider d’en faire un livre pour leur rendre hommage. Au cœur de la guerre qui détruit inlassablement leur ville et leurs espoirs, naît celui de contrer l’Autorité en voulant s’instruire. Des jeunes récupèrent dans les décombres de nombreux livres qui ont été abandonnés, parfois dans un piteux état. Ils les réparent et créent une bibliothèque, accessible à tous ceux qui le veulent.

Ils vont alors découvrir toutes sortes de livres, des auteurs classiques et modernes, de la poésie, des livres de philosophie, tout ce qui peut les sortir de la domination politique et religieuse dont ils souffrent et qu’ils tentent de fuir. Les lecteurs viennent peu à peu et de plus en plus nombreux. Cette nourriture intellectuelle les aide à oublier celle qui manque cruellement à leurs ventres. Mais, au-dessus de leurs têtes, la guerre continue de faire rage. Ils sont des rebelles aux yeux de l’autorité, ils sont recherchés et pourchassés sans relâche. Ils doivent sans cesse se cacher.

Alors que la première bibliothèque est détruite par une bombe faisant encore des morts, ils en recréent une autre, toujours avec la même détermination. Ils organisent des débats, des séances d’écriture, ils chantent même, ils regardent des films et un professeur d’anglais les rejoint de temps en temps pour offrir des cours. Puis, elle est aussi détruite… Mais l’espoir est toujours là. Ils ont goûté à la connaissance qu’on leur interdisait, ils n’en seront jamais rassasiés.

 Et les jeunes continuent d’entretenir un véritable échange virtuel avec la journaliste française. Elle est déterminée à faire connaître leur enfer quotidien et leur bonheur d’avoir découvert la lecture. 

Mon avis:

Une histoire touchante, qu’on ne raconte hélas pas dans les Journaux télévisés…

Ahmad Moudjahed, auteur de la photographie et cofondateur de la bibliothèque clandestine à Daraya dit à Delphine, via WhatsApp : « Les livres nous ont sauvés. C’est notre meilleur bouclier contre l’obscurantisme. Le gage de jours meilleurs. Il nous faut cultiver la patience »

Entre les terreurs de la guerre à laquelle sont confrontés ces jeunes, la mort qui rôde en emportant certains d’entre eux, les désillusions et les espoirs de sortir de cet enfer, les livres auront été leur lien avec la vie.

Ce livre est un magnifique hommage au courage de ces jeunes hommes qui n’aspirent qu’à vivre en paix et rêvent d’un pays libéré du joug d’une autorité qu’ils rejettent.

Les échanges virtuels que Delphine Minoui a eus avec Ahmad et les autres jeunes Syriens sont si emprunts de générosité qu’on a peine à croire qu’ils vivent en plein cœur d’un conflit armé et qu’ils risquent leur vie chaque jour. De notre coin de pays en paix, les mots qu’ils emploient pour décrire leur besoin de se cultiver, de parler de leurs lectures et de partager leurs sensations sont absolument poignants. Parce qu’ils découvrent aussi ce qu’on leur a interdit de connaître : une autre manière de penser, une autre façon d’appréhender la vie et de croire en elle… La patience, ils l’auront cultivée avec beaucoup d’amour et d’espoir.

Et si je puis ajouter ceci : on parle tellement aujourd’hui de ces pays en guerre, de ces populations qui souffrent et on écoute les médias en parler en se disant qu’ils sont loin de nous, qu’ils sont potentiellement dangereux pour l’Occident, mais il faut ouvrir les yeux et lire aussi, mais les vrais témoignages, ceux qui parlent de ce qui se passe vraiment, ceux qui parlent des hommes et des femmes qui n’ont pas voulu toute cette haine, toute cette violence.

Ce livre est absolument à lire parce qu’il sait parler au cœur. Au milieu des horreurs de cette guerre, la poésie a fait son nid et les livres ont changé la vie des gens à Daraya grâce au courage de quelques uns.

Quelques infos :

Delphine Minoui est grand reporter au Figaro, spécialiste du Proche Orient. Prix Albert Londres 2006 pour ses reportages en Iran et Irak, elle sillonne le monde arabo-musulman depuis vingt ans.

Elle est l’auteure de plusieurs livres, dont « Pintades à Téhéran », « Moi Nojoud, dix ans, divorcée », « Tripoliwood » et « Je vous écris de Téhéran ».

Les passeurs de livres de Daraya est édité par les Editions du Seuil (https://seuil.com/auteur/delphine-minoui)

Lien Amazon: Delphine Minoui

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