Mots de l’auteur :
La question se pose : Que peut-on montrer de la guerre ? Doit-on montrer ? « Etre témoin et ne rien dire, c’est être complice… » Mais, montrer, n’est-ce pas aussi faire le jeu de la guerre ? « Car, n’existe que ce qui est montré sur les écrans. Daesh existerait-il sans les reportages sur les attentats, sans les vidéos qui inondent les réseaux sociaux ? »
… Dur et pur, lourd et sourd, vivre et survivre…
Résumé :
Un duo de journalistes dans un pays en guerre. On entre dans l’intimité de la population au milieu des ruines de leur village. Les enfants, les adultes, les rats qui deviennent une monnaie d’échange. L’amour, l’espoir, le rêve et la réalité s’entrechoquent et les limites entre eux s’amenuisent…
Mon avis :
Un livre déroutant et attachant… Déroutant par son sujet grave, la guerre qui défigure un pays, un peuple et ses enfants, et attachant par la singularité de l’espoir et de la fatalité qui nourrissent ces mêmes pays, peuple et enfants. L’amour côtoie la mort, le rêve supplante la réalité (ou inversement…) et la poésie s’attache à instiller la beauté dans chaque tableau que l’auteur peint avec ses mots. Des tableaux comme des flashs éphémères.
On se laisse amadouer par le conteur qui enjolive le présent ou le proche avenir de Selim, de Farida, de Marie et des autres… Ou bien, est-ce Marie qui parle d’un jeune garçon qui rêvait de voir la mer qu’il entendait dans un coquillage ? Invention d’une jeune fille que les « codes » de la guerre et de la famille ont conduit à lui raser le crâne ? Pourtant, elle est ce soleil enivrant qui éblouit Selim, bien trop jeune pour être son amant, mais si profondément épris. Comment lui rendre sa lumière ? Comment la combler de bonheur alors que les balles sifflent au-dessus de leurs têtes ? La mer est une utopie, mais ce serait le plus beau des cadeaux pour elle. L’enfant deviendra-t-il adulte grâce à la guerre ou à l’amour ? Dans ce livre, Marie et Selim ne sont pas les seuls à vivre chaque instant comme si c’était le dernier, mais c’est leur histoire qui m’a bouleversée.
Est-ce cela que les journalistes, venus couvrir les conflits, retiendront ? Comment montre-t-on la guerre dans ce qu’elle a de plus cru, pour satisfaire la curiosité ? Accrocher la souffrance qu’elle provoque ou en détacher l’espoir, la vie qui lui fait face constamment dans les yeux de ses acteurs et témoins ? Paradoxe infernal qui s’insinue à chaque instant, là-bas, loin de nous…
Réalité, conte, rêve, espoir, mais un mot me vient à l’esprit qui traduit la subtile alchimie de ce livre dur, beau, piquant, étourdissant, égarant, prégnant, sauvage, griffant et caressant tout à la fois, c’est le mot « Poésie ».
La plume d’Agnès Bernard est incise et précise, chaque mot tient la place qui lui est unique, chaque phrase est une image puissante. Un livre qui ne laisse pas indifférent et qui imprégnera encore longtemps votre conscience.